Les hurlements des singes hurleurs mâles de l’espèce Alouatta caraya sont tout simplement assourdissants. Leurs cris, aussi profonds que ceux d’animaux bien plus massifs tels que les tigres, sont rendus possibles grâce à leurs os hyoïdes agrandis. Mais ici se pose une question évolutive fondamentale : les singes hurleurs doivent-ils opter pour des cris graves ou pour de petites testicules ?
D’après une récente étude publiée dans la revue Current Biology, il semblerait que plus les testicules d’une espèce de singes hurleurs sont petits, plus leur os hyoïde est développé. Cette structure leur permet de produire des sons graves et puissants. Les tailles relatives de ces os et des testicules semblent être liées à la manière dont ces animaux vivent et se reproduisent. Les mâles vivant en groupe avec plusieurs congénères investissent davantage dans de plus grosses testicules, tandis que ceux vivant en compagnie de femelles seuls privilégient une voix retentissante et séduisante.
Charles Darwin avait déjà émis l’hypothèse que les cris des singes hurleurs servaient à attirer les femelles, lesquelles choisissent leurs partenaires en fonction de la profondeur et de la résonance de ces vocalises. La clé de ces appels réside dans l’os hyoïde, une structure en forme de fer à cheval chez les humains, mais plus imposante et en forme de coupe chez les singes hurleurs. Cet os crée une sorte de chambre de résonance qui décuple la puissance de leurs cris.
Les résultats de cette étude démontrent que les singes hurleurs ne peuvent évoluer simultanément en direction d’un os hyoïde plus grand et de testicules plus gros, car il leur faut faire un choix évolutif entre ces deux caractéristiques. Les mâles des espèces de singes hurleurs qui vivent en « harem » possèdent de plus grands os hyoïdes et des testicules plus petites, car ils utilisent leurs cris graves pour attirer davantage de femelles ou intimider les mâles susceptibles de leur voler leurs partenaires. En revanche, les mâles vivant en compagnie d’autres mâles doivent produire une plus grande quantité de sperme afin d’avoir un avantage en matière de fécondation face à une femelle ayant eu des rapports avec plusieurs partenaires.
Cette étude soulève également des questions quant aux similitudes que les humains pourraient partager avec leurs cousins éloignés, les singes hurleurs. En effet, chez les êtres humains, les hommes à la voix grave sont considérés comme étant plus attrayants par les femmes, bien que cela n’ait aucun lien avec la qualité de leur sperme.
Ainsi, les singes hurleurs font face à un dilemme évolutif : privilégier une voix puissante pour attirer les femelles ou des testicules plus petits pour une plus grande concurrence spermatique. Ce choix crucial façonne leur évolution et nous invite à nous interroger sur nos propres origines et similarités avec ces fascinants primates.